Le transport du gaz naturel en Afrique joue un rôle croissant dans le développement économique et énergétique du continent. En 2023, L’Afrique du Nord, notamment l’Algérie et l’Égypte, domine le secteur avec environ 80% de la production continentale. Le réseau de gazoducs africains s’étend sur plus de 30 000 km, incluant des projets majeurs comme le gazoduc transsaharien (4 128 km prévus) reliant le Nigeria à l’Algérie. En cette date, l’Afrique comptait 7 terminaux d’exportation de GNL, avec une capacité totale de 75,3 millions de tonnes par an, d’après l’Oxford Institute for Energy Studies. Le Mozambique émerge comme un acteur clé, avec des projets GNL visant à ajouter 31 millions de tonnes par an de capacité d’ici 2030. Ces infrastructures de transport sont cruciales pour l’exploitation des vastes réserves africaines, estimées à 18,3 milliards de mètres cubes en 2022 par BP Statistical Review, et jouent un rôle essentiel dans l’intégration énergétique régionale et l’accès à l’énergie sur le continent.

Pour ce qui est de l’Afrique Centrale investir dans des projets liés au gaz naturel liquéfié (GNL) pourrait augmenter de façon significative la diversification énergétique ainsi que sa part de production continentale. L’Afrique centrale possède des réserves significatives de gaz naturel, estimées à environ 290-350 milliards de mètres cubes en 2024. Cependant, la consommation régionale reste relativement faible, représentant moins de 5% de la production totale. Après avoir extrait le gaz par forage, puis l’avoir traité dans une usine, notamment pour le débarrasser des composés soufrés et du CO2 qu’il contient, il doit donc être transporté à travers le monde jusqu’aux consommateurs. Le transport efficace du gaz est donc essentiel pour valoriser ces ressources et stimuler le développement économique de la région d’Afrique Centrale. Cependant, la distance entre les gisements et les centres de consommation nécessite des solutions de transport efficaces et durables ; d’où le besoin de développement continu de nouvelles infrastructures et de stratégies de transport efficaces pour répondre à la demande croissante en gaz naturel. Cet article analyse les technologies actuelles et futures du transport du gaz naturel, en mettant l’accent sur leurs aspects techniques, économiques et environnementaux.

1. Le rôle du Central Africa Business Energy Forum CABEF

Le CABEF se décrit comme une plateforme pour le développement de la coopération entre les pays de l’Afrique centrale qui vise à utiliser le gaz naturel, un combustible fossile, pour alimenter en énergie les foyers et les entreprises ainsi que l’industrie minière. Cette plateforme réunit les acteurs publics et privés du secteur énergétique pour faciliter les investissements et le développement des infrastructures.

Avec une réserve approximative en gaz naturel entre 2023 et 2024 de 171,647 milliards de m³ au Cameroun estimée en Avril 2024, 764,5 milliards de m³ en Angola, 100-120 milliards de m³ en République du Congo ; le CABEF, à travers son projet Central Africa Pipeline System (CAPS), vise à créer un réseau intégré de transport de gaz naturel reliant les 11 pays d’Afrique centrale sur une distance de 6500Km. Le CAPS comprend trois réseaux de pipelines multinationaux. Le premier, le Central North Pipeline System, relie le Cameroun, la République centrafricaine et le Tchad ; le second, le Central West Pipeline System, relie la Guinée équatoriale, le Gabon et la République du Congo ; et le troisième, le Central Southern Pipeline System, relie l’Angola, la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Burundi. Grâce à la création d’une série de hubs à travers l’Afrique centrale, à l’établissement de systèmes de pipelines d’interconnexion capables de transporter un certain nombre de produits de base différents, la région sera en mesure d’établir et de bénéficier d’un marché intérieur africain. Afin de garantir un transport flexible et efficace sur les plans énergétiques, économiques et environnementaux, le moyen de transport adéquat pour ce projet tiendra compte des innovations dans les matériaux et les procédés, la distance, les volumes à transporter et les contraintes géographiques pour améliorer l’efficacité et offrir de nouvelles options pour des zones spécifiques. Dans ce contexte, les enjeux seront :

  • L’amélioration de l’efficacité énergétique des procédés de liquéfaction et regazéification ;
  • Le développement de matériaux avancés pour les gazoducs et les réservoirs de stockage ;
  • L’optimisation des technologies de GNC et d’hydrates pour une application commerciale ;
  • L’intégration de systèmes de surveillance et de contrôle avancés pour améliorer la sécurité et réduire les fuites.

2. Les Technologies principales de transport de gaz naturel

Les principales technologies actuelles de transport du gaz naturel sont les gazoducs et le transport de gaz naturel sous forme liquéfié (GNL)

– Le transport par Gazoducs

Les gazoducs représentent un premier moyen de transporter le gaz. Ce sont de longues canalisations, qui peuvent parcourir 3.000 kilomètres, dans lesquelles le gaz circule sous pression généralement entre 80 et 200 bars pour les grands réseaux de transport. Pour des raisons de sécurité, ces canalisations sont généralement enfouies sous terre mais elles peuvent aussi être installées sous la mer lorsque le besoin de transport existe à cet endroit. Les gazoducs constituent la méthode prédominante pour le transport terrestre du gaz nature.

Aspects techniques :

  • Diamètre des conduites : typiquement de 20 à 48 pouces (50 à 120 cm) ;
  • Matériaux : principalement acier à haute résistance avec revêtement anticorrosion ;
  • Stations de compression : tous les 150-200 km pour maintenir la pression ;
  • Les pertes sont principalement dues à la consommation des stations de compression.

Enjeux :

  • Intégrité des conduites : prévention des fuites et de la corrosion ;
  • Efficacité énergétique des compresseurs ;
  • Coûts : Coûts d’investissement initial (construction, équipements, études d’impacts et les autorisations) ; les Coûts d’exploitation et de maintenance ainsi que les coûts de fin de vie ;
  • Meilleure efficacité que le transport routier ou ferroviaire pour de grandes quantités sur de longues distances : Traversée des zones géographiquement complexes (montagnes, rivières).

Défis environnementaux :

Les gazoducs présentent plusieurs défis environnementaux :

  • Émissions de gaz à effet de serre (Fuites de méthane, émissions de dioxyde de carbone provenant de la combustion du gaz pour alimenter les compresseurs dans les stations de compression)
  • Pollution des sols et des eaux (Risques de fuites et de contamination, notamment lors de traversées de cours d’eau, utilisation de produits chimiques pour la maintenance et la protection contre la corrosion)
  • Pollution sonore (Bruit des stations de compression)

Pour atténuer ces défis, l’industrie développe constamment de nouvelles technologies et pratiques :

  • Utilisation de matériaux avancés pour réduire les fuites.
  • Amélioration des systèmes de détection et de réparation des fuites.
  • Développement de compresseurs plus efficaces et moins polluants.
  • Utilisation accrue de l’énergie propre pour alimenter les stations de compression.

– Le Transport maritime de Gaz Naturel Liquéfié (GNL)

Le GNL est un sigle qui signifie gaz naturel liquéfié Car, au-dessous de -163°C environ et à pression atmosphérique, le gaz naturel se condense. Son volume diminue six fois plus que lorsqu’il est mis sous pression pour être transporté par gazoduc. Il devient alors plus facilement transportable par des méthaniers qui peuvent être gigantesques. Certains ont la capacité de transporter plus de 250.000 m3 de GNL. Arrivés à destination, les méthaniers déchargent leur cargaison sur un terminal. Le GNL y est regazéifié avant d’être acheminé par des canalisations jusqu’au réseau de distribution.

Aspects techniques :

  • Procédé de liquéfaction : généralement cycle en cascade à réfrigérants mixtes ;
  • Stockage cryogénique : réservoirs à double paroi avec isolation sous vide ;
  • Navires méthaniers : capacité typique de 125 000 à 265 000 m³ .

Enjeux :

  • Efficacité énergétique du processus de liquéfaction (consomme environ 10-15% du gaz traité) ;
  • Gestion des évaporations durant le transport (« Boil-off Gas ») ;
  • Sécurité des opérations cryogéniques.
  • Émissions liées au transport maritime
  • Les navires méthaniers émettent des gaz à effet de serre et d’autres polluants.
  • Impacts potentiels sur les écosystèmes marins en cas d’accident

3. Les Technologies émergentes

En tenant compte des défis rencontrés actuellement, de nouvelles technologies de transport sont en voies de développement notamment :

– Transport sous forme de Gaz Naturel Comprimé (GNC)

Le gaz naturel comprimé (GNC) est un gaz naturel qui a été compressé et dont le volume est beaucoup moins important que le gaz naturel sous sa forme conventionnelle. En conservant toutes les propriétés de ce dernier, le GNC est entreposé dans des réservoir dont le volume est jusqu’à 300 fois celui de sa forme gazeuse.

Le GNC est comprimé à environ 250 bars, grâce à une station de compression puis emmagasine le gaz dans des réservoirs haute pression. Le GNC peut ensuite être distribué dans un rayon de 400 km à l’aide de camions prévus à cet effet offrant une alternative intermédiaire entre les gazoducs et le GNL.

Avantages potentiels :

  • Coûts de traitement et de stockage réduits par rapport au GNL ;
  • Flexibilité accrue pour les marchés de taille moyenne ;
  • Stockage à température ambiante, contrairement au GNL qui nécessite des températures cryogéniques ;
  • Pour le transport par camions, l’utilisation du GNC permet notamment de réaliser des économies de l’ordre de 30% sur le carburant.

Enjeux techniques :

  • Développement de conteneurs de stockage haute pression légers et sûrs ;
  • Optimisation des processus de compression et décompression ;
  • Plus coûteux à transporter que le gaz par gazoduc sur de longues distances.

Des projets de GNC en effervescence :

Bien qu’étant une technologie nouvelle, des projets sont deja en croissance sur la planète entre autres

  • CNG Marine Transport : Développé par EnerSea Transport LLC aux États-Unis, qui utilise des navires spécialisés pour transporter du GNC sur des distances moyennes.
  • Projet Coselle CNG : Développé par Sea NG Corporation au Canada qui utilise une technologie de bobines pour stocker le GNC à bord des navires.
  • ABS CNG Carrier : American Bureau of Shipping (ABS) a approuvé la conception d’un navire transporteur de GNC visant à faciliter le transport de GNC sur des distances moyennes.
  • Transport sous forme d’hydrates

Le gaz naturel est mélangé à de l’eau dans des conditions contrôlées pour former des hydrates ; ces hydrates sont stockés à pression atmosphérique et à une température d’environ -10°C à -20°C puis transportés dans des navires réfrigérés, des camions ou des trains. À destination, les hydrates sont réchauffés pour libérer le gaz naturel Transporter le gaz naturel sous la forme d’hydrates solides permettrait d’augmenter la capacité de méthane transporté tout en améliorant la sécurité et facilitant son transport à des températures plus élevées que le GNL. Les hydrates enferment en effet plus de molécules de méthane dans un volume donné que la forme gazeuse.

Avantages potentiels :

  • Transport à des températures plus élevées que le GNL (environ -20°C) ;
  • Densité énergétique potentiellement supérieure au GNC.

Enjeux techniques :

  • Contrôle de la formation et dissociation des hydrates ;
  • Développement de procédés de production à grande échelle.

Le transport du gaz naturel sous forme d’hydrates représente une innovation potentiellement révolutionnaire dans le secteur énergétique. Cette technologie, à la croisée de la chimie, de l’ingénierie et de la logistique, offre une nouvelle perspective sur la manière dont nous pouvons déplacer et stocker l’énergie à l’échelle mondiale.

Ces technologies pourraient offrir de nouvelles options pour le transport du gaz naturel, en particulier pour les marchés de taille moyenne ou les régions difficiles d’accès.

En conclusion, L’avenir du transport du gaz en Afrique est un sujet complexe et dynamique, influencé par de nombreux facteurs économiques, politiques et technologiques. Les défis et opportunités rencontres dans ce domaine sont :

Les Financements car les infrastructures sont de grandes envergures

La Transition énergétique :  pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, Le gaz pourrait jouer un rôle de « pont » vers les énergies renouvelables.

Instabilité politique et sécuritaire : Risque pour les grands projets transfrontaliers.
Le choix de la méthode de transport du gaz naturel restera un compromis entre facteurs techniques, économiques et environnementaux, mais les avancées technologiques continueront d’élargir les options disponibles pour l’éradication de la pauvreté énergétique en Afrique à l’horizon 2030.

Références

L’équipe du CABEF