Nathalie Lum, Chairwoman du CABEF, parle des enjeux importants liés au projet CAPS. Elle donne une meilleure compréhension de ce projet crucial et elle contribue à sensibiliser l’importance de ce projet pour tous les pays d’Afrique centrale. Voici la version complète de son interview avec le journal Mongabay.
1. Tout d’abord, je me demandais quelle était la motivation d’un tel projet ?
L’Afrique centrale a une superficie de 6 640 000 km² et une population de plus de 185 millions d’habitants. Lorsque l’on aborde la question de l’énergie en Afrique centrale, le constat qui s’impose d’emblée est celui d’un paradoxe frappant. Paradoxe d’une région au potentiel énergétique énorme, qui contraste avec un niveau de développement relativement faible en raison de la faiblesse de l’offre énergétique. Et pourtant, parfois considérée comme un « scandale géologique », l’Afrique centrale est l’un des poumons de la planète, dont elle est l’une des principales provinces pétrolières et aquifères.
En effet, ses réserves de pétrole sont estimées à 31,3 milliards de barils. Sur les dix premières réserves de pétrole en Afrique, cinq se trouvent en Afrique centrale (Gabon, Congo, Guinée équatoriale, Tchad, Angola). Ses ressources en eau sont d’environ 26 355 m3/an par habitant, alors que la moyenne africaine est de 5 730 m3 et la moyenne mondiale de 7 600 m3 par an et par habitant. Son potentiel hydroélectrique est estimé à 653 361 GWh, soit 58% de celui du continent. Le discours que j’ai prononcé en 2021 au Congo et l’année dernière à Douala au Cameroun au sujet de la petite fille Mariam du Tchad et de Mami Tchop de Douala illustre l’urgence de la question de la pauvreté énergétique.
Mariam est la petite fille que j’étais et Mami Tchop est la femme que je suis aujourd’hui. Consciente de l’importance de l’énergie dans la perspective du développement, et résolument tournée vers l’émergence, le CABEF que je dirige entend lutter vigoureusement pour la survie de toute la région en formant un bloc face à l’Occident qui veut contraindre les pays concernés à abandonner les énergies fossiles pour mettre en œuvre leurs politiques de transition énergétique. Il s’agit donc de sensibiliser le plus possible les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) aux enjeux et défis à relever par tous afin que la région puisse profiter de ses ressources pour se developer. Nous devons ici parler de l’émergence énergétique de l’Afrique centrale
2. Quelle sera votre contribution au projet ?
La première étape consistait à sensibiliser les pays d’Afrique centrale à la nécessité de changer. C’est ce qui a été fait lors de la conférence du Congo en 2021. C’est à partir de là qu’est né le projet CAPS. Le projet CAPS a été présenté lors du CABEF le 9 septembre à Douala, au Cameroun.
Cela a abouti à la signature du protocole d’accord pour la construction d’un oléoduc sous-régional entre l’Organisation des Producteurs de Pétrole Africains (APPO) et nous, le CABEF, démontrant ainsi la volonté d’agir concrètement. Le CABEF, l’APPO et les investisseurs directs et indirects ont pour ambition de construire, à l’horizon 2030, un système multinational d’oléoducs et de gazoducs d’environ 6.500 kilomètres reliant 11 pays pour l’émergence énergétique de l’Afrique centrale.
Le GAZ NATUREL et le PÉTROLE RAFFINÉ doivent circuler facilement entre les pays, favorisant les investissements dans des installations pétrochimiques, des centrales électriques et des terminaux d’une valeur de plusieurs milliards de dollars pour stimuler l’économie de la communauté d’Afrique centrale et des pays voisins..
3. Comment avez-vous choisi les pays participants ?
La CEEAC vise à développer les capacités de maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité comme conditions préalables essentielles au développement économique et social ; elle vise également à développer l’intégration physique, économique et monétaire ; une culture d’intégration humaine et à mettre en place un mécanisme de financement autonome pour elle-même. La mise en œuvre du projet se fera en deux phases.
4. Pourquoi avez-vous choisi ces pays pour la phase 1 ?
La première phase (CAPS 1) comprend les pays de la région CEMAC (Gabon, Guinée équatoriale, Cameroun, Tchad et République centrafricaine). La sélection est basée sur le cadre existant pour établir une union économique et une union monétaire entre les États membres. Ces 6 pays bénéficient déjà d’accords de libre-échange et appartiennent à la même zone économique et monétaire. De plus, il existe des infrastructures transfrontalières entre certains de ces pays comme l’oléoduc Cameroun-Tchad de 1070 km..
5. Il n’y a pas d’étude d’impact sur le site, pouvez-vous nous en dire plus ?
Un SPV (CAPS Development LLC) créé sous le leadership de l’APPO et du CABEF travaillera avec un consultant international choisi pour mener une étude de faisabilité cette année, 2023..
6. Disposez-vous d’un calendrier plus précis pour la mise en œuvre de la phase 1 ?
Une fois l’étude de faisabilité achevée, nous aurons une indication claire de la bancabilité du projet. D’après notre estimation préliminaire du calendrier, l’étude de faisabilité devrait durer de 12 à 18 mois. À ce stade, le projet passera à la phase d’ingénierie d’avant-projet détaillé (FEED), puis à la phase d’exécution..
7. Comment le projet sera-t-il financé ?
Nous sommes en train de peaufiner cela pour le moment. Mais nous avons quelques pays de la CEMAC qui se sont engagés à fournir un soutien financier substantiel, ainsi que quelques institutions financières..
8. Certains pays comme la RCA ont de réels problèmes de gouvernance, ne craignez-vous pas que cela affecte le projet ?
La RCA a le niveau de pauvreté énergétique le plus élevé de la sous-région d’Afrique centrale. Elle ne dispose pas de réserves prouvées de pétrole ou de gaz et dépend à 100 % de l’importation d’énergie. La RCA est enclavée et n’a pas d’accès à la mer.
Le gouvernement centrafricain a accueilli le projet avec beaucoup d’enthousiasme. Je suis sûr qu’il travaillera avec nous pour permettre à son peuple de disposer d’une énergie fiable qui permettra aux Africains d’avoir un meilleur accès à la nourriture, à un bon système de santé, à un abri et à l’éducation. Sans énergie, cela n’est pas possible.
9. Qu’en est-il des questions de sécurité ?
Nous travaillerons avec les institutions et les agences gouvernementales pour résoudre les problèmes de sécurité liés au projet.
10. Pourquoi choisir de construire un oléoduc alors que cette région en dispose ?
Tout oléoduc qui serait construit devrait faire l’objet d’études environnementales appropriées, car nous sommes bien conscients de l’impact d’un tel projet sur l’environnement. Nous prenons cela très au sérieux.
11. les populations seront-elles déplacées ? Si oui, comment seront-elles relocalisées ?
Le projet de gazoduc CAPS sera soumis aux normes internationales et aux exigences de conformité afin de minimiser l’impact sur les populations locales. Ces normes exigent qu’avant tout déplacement de population, les populations concernées soient consultées et informées des impacts potentiels du projet.
Le projet doit également prévoir une compensation juste et équitable pour les terres et les ressources perdues, ainsi qu’une aide à la réinstallation pour ceux qui en ont besoin. L’aide à la réinstallation peut comprendre le logement, l’accès aux services publics, les moyens de subsistance et d’autres mesures qui aident les personnes touchées à se remettre sur pied.
En outre, le projet CAPS doit veiller à ce que la situation des personnes ne soit pas plus difficile qu’auparavant, que ce soit en termes de biens matériels, de conditions de vie ou de valeurs sociales et culturelles. Dans tous les cas, l’étude d’impact social et environnemental doit déterminer si la population sera déplacée ou non..
12. Le gaz profitera-t-il à la population ? Existe-t-il des infrastructures adéquates ?
Le développement des ressources gazières en Afrique centrale peut apporter des avantages économiques et sociaux significatifs aux populations de la région. L’accès à une énergie fiable et abordable peut contribuer à réduire la pauvreté, à attirer les investissements et à créer des emplois, tout en constituant une importante source de revenus pour les gouvernements. Cependant, un certain nombre de défis doivent être relevés pour s’assurer que les avantages de l’exploitation du gaz se concrétisent pleinement..
L’un des facteurs clés de la réussite de tout projet de développement gazier est la disponibilité d’infrastructures suffisantes. Dans de nombreuses régions d’Afrique centrale, les infrastructures existantes ne sont pas suffisantes pour soutenir le développement de nouveaux projets gaziers. Il faut notamment des gazoducs et d’autres infrastructures connexes telles que des installations de stockage et de traitement. En outre, l’accès aux réseaux électriques est limité dans de nombreuses régions, ce qui signifie que le gaz doit être transporté jusqu’aux utilisateurs finaux.
Afin de maximiser les avantages du développement du gaz en Afrique centrale, les gouvernements et les entreprises privées doivent investir dans les infrastructures nécessaires par le biais de programmes de PPP. Cela comprend l’amélioration des infrastructures existantes, telles que les gazoducs et les réseaux électriques, ainsi que la construction de nouvelles infrastructures en cas de besoin. En outre, les investisseurs devraient également donner la priorité à l’investissement dans les compétences et la formation, afin de s’assurer que les communautés locales sont en mesure de profiter pleinement des opportunités créées par le développement du gaz
Dans l’ensemble, bien qu’il reste des défis importants à relever, l’exploitation du gaz en Afrique centrale peut apporter des avantages économiques et sociaux considérables à la région. Avec les investissements adéquats dans les infrastructures et le renforcement des capacités, les populations d’Afrique centrale peuvent espérer un avenir prospère.
13. Pourquoi ne pas investir dans les énergies vertes pour le développement de l’Afrique centrale ?
Investir dans l’énergie verte pour le développement de l’Afrique centrale est une excellente idée, qu’il convient d’envisager. L’investissement dans l’énergie verte présente un certain nombre d’avantages, notamment la réduction des émissions et la protection de l’environnement. En outre, l’énergie verte peut contribuer à créer des emplois et à fournir des revenus supplémentaires aux habitants de la région.
Pour le projet CAPS, nous envisageons sérieusement un mix énergétique. Il est important de prendre en compte les avantages environnementaux et économiques des différents types d’énergie lorsque l’on envisage un mix énergétique pour l’Afrique centrale. Par exemple, une combinaison d’énergie solaire, éolienne et hydroélectrique peut fournir une énergie propre, efficace et rentable. En outre, ces sources d’énergie peuvent également être utilisées pour produire de l’électricité, ce qui peut aider à répondre à la demande croissante d’énergie dans la région.
Cependant, il est important de prendre en compte l’infrastructure énergétique actuelle de la région et les défis qui accompagnent la transition vers les sources d’énergie renouvelables. De nombreux pays d’Afrique centrale ne disposent pas de la technologie et de l’infrastructure nécessaires pour soutenir une transition efficace vers les énergies vertes. En outre, nombre de ces pays dépendent de l’exportation de pétrole et de gaz, qui leur fournit des revenus pour soutenir le développement de leur économie.
En outre, si les énergies renouvelables constituent une part importante de tout mix énergétique, il est également important de prendre en compte d’autres sources d’énergie telles que le gaz naturel. Le gaz naturel est une source d’énergie fiable qui peut fournir une source d’électricité abordable et stable. En outre, le gaz naturel est un combustible propre qui produit moins d’émissions, ce qui en fait un bon choix pour les pays qui cherchent à réduire leur empreinte carbone..
En fin de compte, la meilleure combinaison énergétique pour l’Afrique centrale dépendra des besoins et des objectifs spécifiques de la région. Une combinaison de sources d’énergie renouvelables et non renouvelables peut fournir une approche équilibrée du développement énergétique qui peut bénéficier à la fois à l’environnement et à l’économie.
Si vous souhaitez discuter d’un sujet, n’hésitez pas.
Je reste à votre disposition pour toute question
Natalie LUM, Chairwoman du CABEF.
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